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vendredi 27 septembre 2013

La faille - Vol 1 : La quête d'Echo (de M.I.A.)

En tant que roman et que thriller, « La faille » est incontestablement réussi.

Quand on le commence, on a beaucoup de mal à le lâcher.

Le sujet ? Un voyage dans le temps qui mène l'héroïne, Echo, d'un futur extrêmement lointain, où la vie est encore plus contrôlée qu'aujourd'hui (si, si, c'est possible) vers un futur un peu moins lointain, où des êtres humains peu nombreux survivent dans des circonstances extrêmement difficiles. Echo est poursuivie par un « Traqueur » qui vient de la même époque qu'elle, et dont on espère qu'il se sortira de sa transe conformiste pour faire enfin des choix personnels.

Le libre-arbitre et les choix existentiels du Traqueur, habilement soulignés par les commentaires d'un vieux sage ayant la forme d'un enfant, sont d'ailleurs le point fort du roman.

Comme dans Rémoras, il y a beaucoup d'action et d'adrénaline. Mais « La faille » semble viser un public plus jeune, plus ado (la plupart des personnages importants sont jeunes ou très jeunes). « La faille » m'a fait penser à « Hunger Games », c'est le même genre d'univers.

Bon alors parlons de ce que je n'ai pas aimé dans le roman...

C'est un petit passage, mais que j'ai trouvé franchement répugnant, et d'autant plus dégueulasse qu'on retrouve quasiment le même dans beaucoup d'autres romans.
Ce passage pourrait avoir pour titre « Le génocide compassionnel ».
L'héroïne se retrouve confrontée à plus de deux cents personnes coincées dans une ville sousterraine. Le jeune vieux sage la convaint qu'il vaut mieux les laisser crever là, pour ne pas « changer le passé »... argument quelque peu tiré par les cheveux, dans la mesure où sa présence a déjà eu beaucoup d'impact sur beaucoup de personnes. L'héroïne se range à cet argument foireux et propose donc généreusement aux prisonniers d'abréger leurs souffrances. Ils acquiescent, et elle déclenche leur intoxication. Ils meurent tous en quelques secondes.
Ce qui m'énerve là-dedans ?
Le pathétique malsain qui se dégage de ce thème, malheureusement récurrent dans les romans et films contemporains. On voudrait préparer une politique eugéniste à grande échelle, avec élimination de tous ceux dont "la vie ne vaut pas la peine d'être vécue", qu'on ne s'y prendrait pas autrement. « Tuer par gentillesse », c'était aussi l'argument des nazis pour « euthanasier » (assassiner) les patients des hôpitaux psychiatriques. Ben oui, être fou c'est pas une vie...

Je signale à toute fin utile qu'on peut faire pathétique sans faire malsain. Le héros qui se sacrifie pour sauver les autres, c'est pathétique sans être malsain. Le héros qui sauve la vie d'une victime, c'est pathétique et ce n'est pas malsain. Il y a des tas de situations émouvantes qui sont pathétiques, et qui ne sont pas malsaines. Mais l'assistance au suicide, le meurtre apitoyé et le génocide compassionnel, c'est malsain.

J'espère ne pas être la seule à détester.

Je signale aussi aux auteurs que lorsqu'on lit que le principal prisonnier de la ville souterraine est « prématurément vieilli », on comprend qu'il ne s'en sortira pas. Ces deux mots tuent tout suspens avant qu'il ne meure. Bon, d'un côté, c'est mieux ainsi : comme ça on ne s'attache pas...

http://www.editionshelenejacob.com/store/products/la-faille-volume-1-la-quete-decho/

4 commentaires:

  1. Merci Lucia pour votre chronique. :)

    En tant que moitié du duo d'auteurs de ce livre, voici mes commentaires quant à votre interprétation de premier volume :

    - Décider d'aider à mourir un groupe de gens qui sont déjà en train d'agoniser et ne peuvent pas être secourus n'a rien de comparable avec le génocide nazi... je pense que là vous allez un peu loin dans le parallèle. Il s'agit de pure compassion, même si une autre personne dans la même situation pourrait effectivement décider de les abandonner à leur triste sort, je vous l'accorde totalement.
    Aucune volonté de donner dans le pathétique ici : c'est une simple décision qui repose sur le choix moral d'Echo, et que le "sage", comme vous l'appeler, se contente de renforcer en lui rappelant que cette scène s'est tout simplement déjà produite une fois et qu'elle n'a aucune raison de la modifier, si ce n'est en leur évitant quelques souffrances.

    - Si être "prématurément vieilli" signifie nécessairement que l'on va mourir sous peu... c'est triste pour tous ceux qui ont des rides ! :)
    Attendez donc le volume 2, si vous en êtes persuadée, car là je crois que vous sautez sur une métaphore un peu trop expéditive... c'est plutôt positif, d'une certaine façon, cela sous-entend que vous serez surprise.

    - Sur le plan éditorial et de façon plus globale, non, cette trilogie ne vise pas un public plus ou moins jeune que celui de "Rémoras" et de "La Trappe", puisqu'elle en est la continuité : elle a pour simple objectif de boucler la boucle de l'univers mis en place depuis le début (nous n'avons ni lu ni vu "Hunger games" et je n'ai donc pas la possibilité de commenter cette comparaison)

    Merci encore pour votre lecture et pour la rédaction de cet article.

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    1. Bonsoir Hélène,

      il y a aussi beaucoup d'analogie, encore plus d'ailleurs, entre "Hunger Games" et "La Trappe".

      Pour le rapprochement avec l'idéologie nazie, il ne se justifie pas avec La faille en tant que tel, mais avec les innombrables scènes de meurtres "compassionnels" qu'on trouve depuis 15 ans dans les livres, films, etc.

      Fin du Grand Bleu : le héros veut se suicider ; sa chérie l'y aide.
      Million dollar baby : paraplégique, elle ne supporte plus de vivre ; le héros l'aide gentiment en la tuant.
      La plage : le blesse souffre ; le héros le tue pour abréger ses souffrances.
      Rémoras : incurable, elle ne veut plus vivre ; il accepte de la tuer... pour abréger ses souffrances.

      Etc., etc., etc.

      Je ne pense pas qu'on puisse parler de coïncidence, car ce thème était absent, ou quasiment absent, de la littérature et du cinéma avant. Alors je me demande s'il n'y a pas un plan.

      Ma petite fille pleure et cherche à tripoter les touches du clavier... elle m'a déjà effacé une première fois ce commentaire donc j'y vais avant qu'elle frappe à nouveau.

      Bonne soirée !

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  2. Brillante analyse de Lucia Canovi.... Bien sûr qu'il n'ya pas de hasard et c'est à juste titre selon moi, que vous évoquez un " plan ".
    Les auteurs de la Faille, que je n'ai pas encore lu, mais dont la description que vous faites et à laquelle je juge pouvoir accorder une confiance, de deux choses l'une : ou bien les auteurs ont conscience de cette analyse, partage intimement sont contenue et participe de gré à la propagation de ces idée nauséabonde, ou bien les auteurs de ce roman n'en sont tout simplement pas conscient et ils, se sont inspirés de roman avant eux qui portaient ce genre d'informations.

    Je partage vraiment votre analyse

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  3. ils se sont inspirés de romans portant ce genre d'informtion sans avoir au préalable réfléchis lucidement aux implications idéologiques de ces scènes. Chose que Madame Canovi, vous avez su voir !!

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