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mercredi 17 octobre 2012

Quoique

Plus une phrase, un paragraphe, un livre est contrasté, plus il est captivant.
C'est un principe de base que Victor Hugo avait très bien compris, lui qui mit le monstrueux Quasimodo juste à côté de la splendide Esmeralda.

Mais si, dans un roman, il est bon d'opposer les personnages, dans n'importe quel genre de livre il est bon de saupoudré ses phrases de contraste et d'oppositions.

Or... il y a une syntaxe du contraste.

Une syntaxe qu'il faut connaître.

Vous allez me dire que vous la connaissez déjà : c'est "mais", "quoique", "malgré", "toutefois", etc.

Oui, vous connaissez tous ces mots, mais les utilisez-vous tous ?

Et les utilisez-vous avec souplesse et imagination, ou d'une manière un peu rigide ?

Il n'y a que vous pour le savoir...

En attendant, je vous propose d'examiner quelques phrases avec "quoique".

"Son aventure, quoique gaiement racontée, m'avait paru longue, dans la situation précaire où je me trouvais. (George Sand)
"Quoique le combat fût long et acharné, il ne put résister au comte." (Alexandre Dumas)
"Il cueillait sans relâche, leste comme un écureuil, promptement quoique sans se hâter" 
"Le conducteur avait peur, quoiqu'il se fût imbibé d'alcool." (Alain)
"Quoique intelligent, il réussit assez mal dans ses études."

Si vous examinez ces phrases de près, vous verrez que la structure la plus fréquente c'est :

[Quoique + proposition] PROPOSITION

C'est la construction classique et attendue : quoiqu'il soit mort au combat, il n'a pas eu droit aux honneurs. Quoique le combat fut long, il fut obligé de s'avouer vaincu. Quoique le soleil tardât à se lever, le ciel avait déjà pris une couleur de rose.

Une autre variante :

[Quoique + adjectif (ou groupe adjectival)] PROPOSITION

Quoiqu'intelligent, il réussit assez mal dans ses études, quoique chauve, il a toujours un peigne dans sa poche, quoique d'une grande beauté, elle ne plaît pas aux hommes, etc.

Une autre variante intéressante :

[Quoique + adverbe (ou groupe adverbial)] ADVERBE (OU PROPOSITION ADVERBIALE)

Cette construction est plus rare et originale : il cueillait promptement quoique sans se hâter, il cueillait sans se hâter quoique promptement, il parlait doucement quoique distinctement, il parlait doucement quoiqu'avec beaucoup d'énergie, il parlait avec force quoiqu'en grommelant, etc.

Et enfin...

La construction de George Sand est la plus intéressante et créative de toutes :

NOM + [quoique + adj (ou groupe adjectival)] RESTE DE LA PROPOSITION

André, quoique merveilleusement intelligent, avait repassé trois fois son bac. Son aventure, quoique gaiement racontée, m'avait paru longue. La vie, quoique courte, paraît parfois d'un ennui mortel. Le ciel, quoique d'un bleu suave de piscine propre, ne m'inspirait rien qui vaille. Cet homme, quoique balafré et armé jusqu'aux dents, m'inspirait confiance. Le livre, quoique posé en équilibre instable au bord de la table, n'était miraculeusement pas tombé. Un dinosaure en peluche, quoique de très mauvais goût, m'inspira une sympathie irrésistible : je l'achetai sans même regarder son prix. 

Je vous propose, comme exercice, de faire cinq phrases avec chacune de ses constructions.

vendredi 5 octobre 2012

Comment utiliser "malgré" ?

Une construction syntaxique bien comprise est une flèche de plus dans votre carquois d'écrivain ; elle vous permet de faire passer des nuances qui, sinon, resteraient inexprimées.

J'ai noté que George Sand fait un usage libre et créatif de "malgré".

La plupart des auteurs utilisent "malgré" en l'appliquant à une proposition (sujet+verbe+éventuellement autre chose) :

"Il reste vigilant malgré sa fatigue."
"Malgré la nuit, il croit encore à la lumière."
"Malgré la menace grandissante ils décident de rester."

Sand, plus libre dans sa syntaxe, applique parfois "malgré" à des adjectifs.
Un exemple :

"Elle était accompagnée d'un homme grand, chauve, maigre, voûté, bizarre, beau malgré tout."

Là, "malgré" ne porte pas sur "elle était accompagnée...", juste sur l'adjectif que le précède.

Résultat : une phrase dynamique et vivante qui dit beaucoup en peu de mots.

Avec "pourtant" la phrase serait nettement moins réussie :

"Elle était accompagnée d'un homme grand, chauve, maigre, voûté, bizarre, et pourtant beau."

mardi 2 octobre 2012

L'ordre des mots n'est pas un détail !

Supposons que vous vouliez associer, dans le titre d'un chapitre, les notions de "banalité" et de "miracle".
Devez-vous opter pour "Un miracle banal" ou "la banalité des miracles" ?

Au niveau du sens, c'est à peu près la même chose...

Mais l'ordre des mots creuse la différence.

"Un miracle banal", c'est une histoire qui commence bien (miracle) et finit mal (banal). Un soufflé qui retombe. Un feu d'artifice qui avorte comme un pétard mouillé.

"La banalité des miracles", c'est une histoire qui commence mal (banalité) et finit bien (miracles).

Si vous voulez un titre optimiste, choisissez toujours avec le plus grand soin l'ordre des mots de manière à ce celui-ci raconte une belle histoire... commencez par le mot négatif ou neutre, et terminez pas le mot le plus positif.