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lundi 28 avril 2014

Mémoires de mammouth : un témoignage captivant sur la vie d'enseignant en France au XXIème siècle

Comme le titre l'indique, il ne s'agit pas vraiment de roman, même si on peut (plus ou moins) le lire comme tel.
Ce sont les mémoires d'un professeur de français au lycée.
J'ai vraiment apprécié cette lecture. Probablement parce que j'ai été professeur de français au lycée, mais pas seulement.
On plonge dans la vie quotidienne d'un professeur d'une cinquantaine d'année, désabusé à juste titre de son métier, et dont les démêlés sentimentaux débouchent invariablement sur le vide.
Il y a de l'humour, une écriture très vivante et très juste, et de nombreuses petites touches très réalistes. Rien que pour ça, cette lecture qui vaut le coup.

En tant que convertie à l'Islam (qui porte le voile), j'ai été frappé par l'attitude très négative du narrateur-auteur vis-à-vis de ses élèves musulmans... un passage en particulier m'a fait légèrement sursauté. C'est celui-ci :

"Et soudain sur l'avenue le choc de deux images.
Croisée à l'instant, une jeune femme dont le niqab noir laisse encore, par miracle, une partie du visage nu. Tout de suite après, sous un abribus, la pub d'une belle en string et soutif.
- Pour moi c'est la même chose, commente Sergi dont le regard va de la femme nue à la femme voilée. Toujours l'humiliation de la femme. Là on l'enferme dans des vêtements, on en fait un objet pour l'homme. Mais ici, sans ses vêtements, c'est encore un objet pour l'homme.
- Aucun rapport, dis-je.
Là une masse informe et fermée, sinistre accoutrement, carnaval noir, et ici une jeune femme ravissante, dont la vue ne peut qu'élever celui qui la regarde, en lui donnant au moins quelques notions d'esthétique..."

Très franchement, je ne vois pas en quoi la vue d'une belle jeune femme en string "élève" celui qui la regarde. A part bien sûr si l'élévation concerne une partie bien précise de son anatomie. C'est un peu le défaut du narrateur : ses pulsions sexuelles latentes influencent son jugement. Il n'arrive pas à se fâcher contre ses jolies élèves, tombe amoureux de son inspectrice parce qu'elle est jeune et belle, etc. C'est un peu le cas de tout le monde, certes, mais chez lui ça prend des proportions exagérées. Autre passage significatif :

"J'avais dû batailler en douceur pour lui faire accepter cette robe blanche de petite fille, bien étroite désormais [...] Dis donc, Félix, quand même... on lui voit sa culotte. Tant mieux, me félicitais-je in petto."

Pour revenir au passage sur la femme en niqab opposé à la femme en string, ce que dit Sergi n'est pas si bête.

Sauf que l'un comme l'autre des personnages oublient (ou ne savent pas) que la plupart des femmes en niqab ont choisi d'en porter un. Je ne dis pas ça pour faire l'apologie du niqab, je suis contre les vêtements qui cachent le visage. Dieu nous a donné un visage pour que nous puissions nous reconnaître les uns et les autres et que nous puissions communiquer librement nos pensées, nos émotions, etc. Mais, en France du moins, le niqab est presque toujours ou peut-être même toujours un choix. Les femmes qui portent le niqab s'imaginent (à tort) qu'ainsi elles se rapprochent de Dieu.

Nous avons donc d'un côté une femme qui se met en string pour des raisons financières (la top-model)
Et de l'autre une femme qui se couvre pour des raisons religieuses (la musulmane en niqab).

En d'autres termes, un erzatz de prostituée d'un côté contre une femme à principes de l'autre.

Pour revenir à "Mémoires de Mammouth", j'ai beaucoup aimé toutes les réflexions sur le pédagogisme, la pression exercée par les parents pour que le prof se conforme strictement au programme (débile), ses difficultés à rentrer dans le moule, sa critique des normes pédagogiques. Tout ça est criant de vérité et je m'y suis reconnu à 100%. J'ai mesuré à quel point j'ai de la chance de ne plus être prof et de faire librement ce que j'aime...

En conclusion, on se dit que pour être un prof heureux en France, il ne reste plus que 2 possibilités :
- être totalement indifférent et je m'en foutiste ;
- être un esclave robotisé de l'éducation nationale qui suit bêtement et scrupuleusement le programme.
Je ne vois pas de troisième possibilité... mais peut-être qu'il y en a une ?

Dernière remarque : les programmes de Français de l'éducation nationale ont un but. Ils visent à dégoûter les élèves de la littérature, de leur langue, et plus généralement des études. Tout professeur qui cherche à donner le goût de la lecture, de la littérature et de la langue à ses élèves est donc forcément malheureux et frustré.

Pour lire "Mémoires de Mammouth", c'est ici :

http://www.editionshelenejacob.com/store/products/memoires-de-mammouth/



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